« Aucun groupement humain n’a jamais été découvert circulant tranquillement dans le réel à la manière des autres animaux : sans religion, sans tabou, sans rituel, sans généalogie, sans contes, sans magie, sans histoires, sans recours à l’imaginaire, c’est-à-dire sans fictions.» -Nancy Huston
À l’entrée du processus de création, des paramètres particuliers enclenchent la singularité d’un projet. Ici, deux lieux de présentations, l’un in situ, l’autre la boîte noire. Ensuite, la rencontre avec trois femmes, interprètes de haut calibre, qui provoque l’envie de mettre au défi et de juxtaposer leurs différentes qualités. Partageant un niveau d’expertise, chacune d’un monde artistique très différent, elles permettent une recherche sur le rôle de la perception. Comment le vécu, la présentation et la perception d’une chose véhiculent-ils la différence ? À partir simplement de neuf enchaînements et de leur conjugaison aléatoire, solo, duo et trio guident le processus. Tout se joue dans l’interprétation.
Il n’y a pas de projection fondamentale d’une certitude interne, seulement la conjonction éventuelle des parcours et le libre arbitre du geste. Nous sommes les fictions que nous créons. Chacune de ces fictions est une réalité, une invitation fragile, unique et éphémère pour nous mener vers de nouveaux procédés de compréhension. Tout se joue dans la subjectivité.
Inspiré de l’essai L’espèce fabulatrice de l’auteure canadienne Nancy Huston, le projet Fictions pourrait être nommé « contempler l’heureux hasard »… et choisir de le suivre. Il est révélateur de découvrir le lieu de résonance dans le mouvement des corps et de s’y attarder. La kinesthésie est une fenêtre ouverte sur la singularité de l’être.
Une première mouture de Fictions est réalisée dans le cadre de l’édition 2009 de Dusk Dances. De cette incarnation intitulée Withrow Park, nous conservons seulement l’étude des systèmes de mouvements ainsi que des éléments de l’environnement, des fragments d’une plasticité qui convient à la transposition et à un nouveau contexte. Du vert de la nature à l’incrustation couleur, de la lumière évanescente du crépuscule à la froideur de lampes fluorescentes, de paysage à canevas, et de tout cela à la boîte noire. Construire un lieu esthétique témoigne d’un désir de perception, d’émotion et de sensation.
Si nous reconnaissons la nature comme un lieu de vérité, où les choses existent dans leur plus simple réalité, la scène, à l’inverse, propose une recréation de la réalité dans l’espoir de la recevoir autrement. Mais, la construction du spectacle à l’extérieur est tout aussi réelle qu’une émotion dans le théâtre. Mais encore, les deux révèlent notre désir de recréer ce qui nous semble naturel. Et encore, tout se joue dans la subjectivité. Les fictions que nous créons sont nos vérités.
Withrow Parc
Chorégraphe > Marc Boivin
Danseuses > Kate Alton + Kate Franklin + Kate Holden
Musique >
Spem in alium, Thomas Tallis
RUNDFUNKCHOIR BERLIN
Costume > Marc Boivin
Oeil extérieur > Sylvie Bouchard
Fictions : Chroma Key
Chorégraphe > Marc Boivin
Danseuses > Kate Alton + Kate Franklin + Kate Holden
Musique >
Arteries of Tokyo, Atau Tanaka
Bondage, Atau Tanaka
Winds of Guitar, Garlo
Forever Bach, Knut Nystedt
RUNDFUNKCHOIR BERLIN
Costume > Heather MacCrimmon
Lumières > Bonnie Beecher
Décor > Marc Boivin
Merci à LADMMI L’école de danse contemporaire, Dancemakers and the Centre for Creation, Coleman Lemieux & Compagnie, Paul Chambers à Tangente.
Fictions Project est une coproduction de DuskDances et firstthingsfirst productions.
crédit photo : John Lauener